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Les Patriotes de 1837@1838 - Les 92 Résolutions: analyse
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Les 92 Résolutions: analyse
Article diffusé depuis le 19-mai-01
 




Les 92 Résolutions sont déposées à la Chambre d'Assemblée du Bas-Canada le 17 février 1834. Thomas Chapais attribue la paternité de ce texte à un petit comité composé de Louis-Joseph Papineau, Elzéar Bédard, Augustin-Norbert Morin et Louis Bourdages et affirme qu'il fallut cinq nuits consécutives pour en terminer la préparation (CHAPAIS, IV: 17). Des études plus récentes indiquent que Papineau est le grand inspirateur du texte et que Augustin-Norbert Morin en a été le rédacteur. Quant à la participation effective de Bédard, elle est aujourd'hui mise en doute: Chapais laisse entendre qu'on lui aurait confié la présentation du document en Chambre pour satisfaire à sa vanité; en fait, c'était un geste destiné à amadouer les députés patriotes de la région de Québec très tentés à l'époque de succomber aux appels à la modération du gouverneur Aylmer. Dans une lettre à sa femme, Papineau parle de Bédard comme du "père putatif" des 92 Résolutions (PAPINEAU, 2000: 301). Après un débat orageux qui dure cinq jours en comité plénier, les 92 Résolutions sont adoptées en troisième lecture le 22 février par 56 voix contre 23. John Neilson, Andrew Stewart et Joseph Quesnel, des députés ou ex-députés patriotes, font partie du groupe d'opposants. Une fois le document adopté, Papineau, en sa qualité d'Orateur, prépare une adresse qui sera approuvée par la Chambre le 1er mars. Jointe à la pétition et aux annexes, elle est confiée à Augustin-Norbert Morin pour livraison à la Chambre des Communes de Londres.

Le premier objectif des 92 Résolutions est d'attirer l'attention du gouvernement anglais sur l'état malheureux dans lequel se trouve le du Bas-Canada, à la suite du mauvais fonctionnement d'un système de gouvernement jugé inadéquat (vicious). Cahier de doléances mais aussi manifeste politique, les 92 Résolutions représentent la somme des revendications que le Parti canadien puis le Parti patriote ont accumulées, au cours de leurs luttes pour l'obtention du gouvernement responsable, dans la foulée de l'Acte constitutionnel de 1791.

Après avoir rappelé la fidélité et l'attachement du peuple canadien à la Couronne britannique (résolutions 1-8), on se lance dans une charge à fond de train contre le Conseil législatif, à l'origine de tous les maux de la colonie (résolutions 9 à 40). Non seulement son mode de nomination est-il critiqué, mais également son fonctionnement, et surtout le rôle de frein qu'il joue depuis plusieurs années: entre 1822 et 1834, il a rejeté 302 projets de loi approuvés par la Chambre d'assemblée. On demande de le transformer en chambre élective. Depuis le tournant des années 1830, la parti patriote avait réorienté son tir et délaissé la question des subsides pour s'attaquer à celle du Conseil législatif. Dans la partie suivante, (résolutions 41-47), on réclame des institutions politiques conformes à l'état social des Canadiens français. On évoque ensuite l'exemple de la Révolution américaine (48-50) et on aborde le problème des droits des Canadiens français, notamment en ce qui concerne la langue. "Les États-Unis, ajoute Yvan Lamonde, sont présentés comme un modèle contre les abus, comme un rappel de la différence sociale entre les Amériques et l'Europe et donc comme le paradis de l'électivité des fonctions civiques. Et il se pourrait même, de l'avis des "résolutionnaires", que les colonies britanniques d'Amérique du Nord fassent un jour ce que firent les colonies du Sud en 1776" (LAMONDE, 2000:123.). Aux résolutions 64-74, on exige le contrôle des fonds publics par la Chambre d'assemblée et, de 79 à 83, on souhaite pour celle-ci les mêmes pouvoirs, privilèges et immunités que ceux du Parlement britannique. Plusieurs cas particuliers sont évoqués: celui du gouverneur Aylmer (résolution 85), dont on espère encore une fois le rappel, celui du secrétaire de la colonie, de même que les affaires Mondelet et Christie. Il est question également de la faible représentation des Canadiens français dans la fonction publique (rés.75). On traite aussi de la loi des tenures dont on veut le rappel (56-62). Thomas Chapais estime qu'"au milieu de propositions justes et de plaintes légitimes, il s'y trouvait [dans les 92 Résolutions] des principes faux, des idées très aventureuses, des réclamations excessives" (CHAPAIS,1933: 25) et se retranche derrière le témoignage de Chauveau: celui-ci regrette en substance qu'on ait demandé des réformes "au nom des idées démocratiques et républicaines" et qu'on ait distingué entre les deux principales tendances politiques. Chauveau pense que certaines résolutions, dont la trente-septième, étaient malheureuses parce qu'elles indiquent des tendances révolutionnaires et un penchant pour la république voisine, en plus de froisser le parti conservateur (CHAPAIS, 1933: 26). Au mois de mars de 1834, La Gazette de Québec de John Neilson, n'avait pas craint de soutenir que c'est "une révolution dans toute la force du terme que les auteurs des 92 Résolutions demandent et fomentent" (LAMONDE, 2000: 125) Plus près de nous, Fernand Ouellet juge que "les menaces de sécession sont moins significatives que l'extraordinaire concentration de la critique politique sur le Conseil législatif". À son avis, il ne fait aucun doute que ce manifeste nationaliste pouvait être perçu par les radicaux, les catholiques et les libéraux anglophones comme un manifeste démocratique. (OUELLET, 1976: 357). Quoi qu'il en soit, en plus de confirmer la scission entre l'aile de Québec et l'aile montréalaise du Parti patriote, les 92 Résolutions marquent un tournant capital dans son agenda politique: le document sert de "programme électoral" dans les grandes assemblées publiques, qui commencent dès le mois de mars et aboutissent au raz-de-marée enregistré lors des élections de novembre, alors que le parti fait élire 78 députés sur une possibilité de 84. La révélation des instructions secrètes de Gosford en 1836 et la publication des Résolutions Russell, en mars 1837, contribuent à achever le processus de radicalisation qui débouche sur le recours aux armes.

Martial DASSYLVA

 

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