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Le Manuel de la parole : manifestes québécois / textes recueillis et commentés par Daniel Latouche et Diane Poliquin-Bourassa. - Sillery : Boréal Express, 1977-1979. - Ce texte vous est fourni avec l'autorisation de l'éditeur. Toute reproduction doit se conformer à la législation en vigueur dans le domaine du droit d'auteur. Après 1793, le Bas-Canada s'installe confortablement dans les querelles parlementaires et partisanes . Tout devient rapidement sujet à controverses entre le French et le British Party. Ce fut tout d'abord la question des lois fiscales et financières de 1793 et 1795 qui prévoyaient la taxation des entreprises commerciales mais non de la propriété foncière; puis vint la tentative de J. Mountain, évêque anglican de Québec, d'établir un réseau d'écoles gratuites afin d'angliciser et de convertir le plus rapidement possible les Canadiens. En 1805 le conflit éclata de nouveau, cette fois au sujet du financement des prisons . D'un côté les Canadiens, hostiles à l'impôt foncier, et qui suggéraient plutôt de taxer l'activité commerciale qu'ils considéraient comme un luxe de parasites. De l'autre le British Party qui soutenait que les immenses propriétés foncières des seigneurs canadiens ne contribuaient en rien au bien-être général de la colonie et qu'elles devraient donc être taxées en conséquence. L'arrivée d'un nouveau gouverneur, James Craig, en 1807 , ne fit rien pour arranger les choses. A deux reprises, il dissout la Chambre, à deux reprises, l'électorat réélit les mêmes hommes. Les guerres napoléoniennes en Europe et le conflit anglo-américain de 1812-1814 ne font que renforcer les soupçons qui pèsent sur le parti canadien qui est accusé de vouloir faire alliance avec Napoléon. A.la Chambre d'assemblée, c'est l'impasse totale entre les Canadiens qui veulent utiliser à fond les possibilités d'action que leur confère la loi de 1791 et le British Party qui, fort de son contrôle du Conseil législatif et de l'exécutif, s'oppose à l'utilisation que font les Canadiens de leur majorité parlementaire . Tentant de briser l'impasse, les Canadiens font appel directement à Londres où ils tentent de démontrer qu'ils ont très bien compris ce qu'était la démocratie parlementaire . De 1792 à 1804 l'Assemblée, enfouie sous ces querelles intestines ne vota en moyenne que neuf lois par session; sur les premiers députés canadiens, voir John Hare, "L'Assemblée législative du Bas-Canada 1792-1814", dans Revue d'histoire de l'Amérique française, 27, 3 (1973), pp. 361-395; A. Garon, "La fonction politique et sociale des chambres hautes canadiennes", dans Histoire sociale, 5 (avril 1970), pp. 66-89. En 1801, l'Assemblée adopta une loi prévoyant la mise sur pied d'une Institution Royale, ayant, théoriquement tout au moins le contrôle absolu sur l'administration de l'instruction publique. A cause de l'opposition forcenée que lui fit Mgr Plessis, la loi resta sans effet. Sur la querelle des prisons, voir J. P. Wallot, "La querelle des prisons: Bas-Canada 1805-1807", dans Revue d'histoire de l'Amérique française, 14, 1 (1960), pp. 61-86, 2, pp. 259-276, 3, pp. 395-407, 4, pp. 559-582. Sur Craig et sa francophobie, on pourra consulter J. P. Wallot, Le Bas-Canada sous l'administration de Craig, Thèse de doctorat, Département d'histoire, Université de Montréal, 1965. A l'élection de 1810, seulement 12 députés britanniques sont élus. François Blanchet et Pierre Bédard, que Craig avait fait arrêter pour traîtrise, sont quand même réélus. En 1810, J. Sewell prépare, avec l'appui de Craig, un mémoire, qui sera soumis aux autorités de Londres, tendant à démontrer que la Constitution de 1791 n'a pas eu les effets escomptés, i.e. favoriser les colons anglais. C'est pour contrer de tels mémoires que les Canadiens commencent à exiger d'avoir leur propre agent à Londres. Lorsque notre constitution nous a été donnée, les anciens sujets (dénommés Anglais dans le pays, de quelques nations qu'ils soient ) étaient en possession des places du gouvernement. Si quelques Canadiens y étaient admis, c'était sur leur recommandation, et ils étaient choisis du nombre de ceux qui leur étaient dévoués. Depuis la constitution, les choses ont continué sur le même pied, les anciens sujets ont continué d'être en possession des places, et sont devenus le parti du gouvernement; le canal des recommandations est continué le même, et il n'a été admis aux places, comme auparavant, que quelques Canadiens dont le dévouement était connu. Comme les Canadiens composent la masse du peuple, la majorité de la Chambre d'Assemblée s'est trouvée composée de Canadiens, et les Anglais, avec quelques Canadiens dévoués, ont formé la minorité ; et comme les Canadiens de la majorité, librement élus par le peuple, ne se trouvaient pas avoir le dévouement nécessaire, ils n'ont pu avoir part aux places. Les membres qui ont été faits Conseillers Exécutifs ont été pris dans la minorité; le parti du gouvernement s'est trouvé lié avec la minorité de la Chambre d'Assemblée, et la majorité, c'est-à-dire la Chambre d'Assemblée elle-même, à laquelle est attachée la masse du peuple, regardée comme un corps étranger, à peine reconnu du gouvernement et des autres branches de la législature, a été laissée dans l'opposition comme destinée à être menée par la force; et effectivement les gens du parti anglais, qui avaient manqué de succès dans les efforts qu'ils avaient faits pour que la constitution leur fut donnée à eux seuls, et que les Canadiens n'y eussent aucune part, se trouvèrent, étant devenus le parti du gouvernement, avec un moyen d'empêcher les Canadiens d'en jouir autrement qu'ils ne le voulaient eux-mêmes. 50 (...) Les divisions de la Chambre d'Assemblée deviennent nationales: les Anglais d'un côté formant la minorité, à laquelle est lié le gouvernement, et les Canadiens de l'autre formant la majorité, à laquelle est attachée la masse du peuple: la chaleur de ces divisions nationales passe de la Chambre d'Assemblée dans le peuple, tout le pays se trouve divisé en deux partis; le parti anglais du gouvernement d'un côté, et la masse du peuple de l'autre. Cette apparence des Canadiens Catholiques Français en opposition avec leur gouvernement, augmente continuellement contre eux les préjugés de la partie vulgaire du parti anglais, qui les traite de bonne foi de la manière la plus révoltante pour un peuple qui se sent loyal; et ainsi plus les Canadiens veulent jouir de leur constitution, plus ils donnent matière au prétexte sur lequel le parti anglais fonde son intérêt comme parti, savoir celui du peu de confiance qu'on doit avoir dans les Canadiens. (...) A chaque fois que les Canadiens encouragés par l'idée de leur constitution, ont essayé d'en jouir, ils ont été terrassés, comme opposés au gouvernement; ils ont encore le coeur brisé des traitements qu'ils ont éprouvés sous l'administration du gouvernement précédent . Il leur semble être les jouets d'une contradiction étrange, comme si d'un côté une constitution leur eut été donnée, sans doute pour en jouir, et que de l'autre il eut été placé un gouvernement exprès pour les en empêcher, ou au moins pour empêcher qu'ils ne puissent le faire, sans paraître mauvais sujets. Ils sont plus mal que s'ils eussent été privés d'avoir part à la constitution, et qu'elle eût été donnée aux anciens sujets seuls; car ils ne seraient pas plus privés d'en jouir, et elle ne serait pas un moyen de les rendre odieux à la mère-patrie. (...) Si le Gouverneur avait le pouvoir d'appeler au conseil les principaux membres de la majorité de la Chambre d'Assemblée, il aurait par là un moyen d'entendre les deux partis, et de n'être point obligé de ne connaître l'un que par les informations reçues de l'autre, il ne serait plus privé des connaissances et des Conseils qu'il pourrait tirer des anciens habitants du pays, et nécessité de n'écouter que ceux qui viennent du parti opposé, qui n'est pas celui où il y a le plus de connaissances du pays, ni le plus d'intérêts conformes à ceux du pays. Après avoir entendu les deux partis, il serait en état de décider sur les mesures qu'il a à prendre, et de transmettre des informations justes en Angleterre. (...) S'il était possible qu'un nombre de places de conseillers ou d'autres places d'honneur et de profit, fut accordé à ceux qui ont le plus d'influence sur la majorité de la Chambre d'Assemblée, qu'elles dépendissent entièrement de leur succès à s'y maintenir , et qu'il fut certain et bien connu qu'il n'y aurait aucun autre moyen de les obtenir, il y a lieu de présumer que les deux partis se réuniraient bien vite dans la Chambre d'Assemblée, que cette division nationale si contraire au but du Gouvernement disparaîtrait tant dans l'Assemblée qu'au dehors, et que cette apparence honteuse d'opposition entre les Canadiens et leur Gouvernement, qui flétrit le peuple du pays et le fait paraître sous les couleurs odieuses si peu méritées, d'un peuple de Rebelles, cesserait de gâter une des plus belles dépendances de l'Empire dans l'Amérique. 51 (...) Les Canadiens incapables de se protéger eux-mêmes, n'ont point d'autres ressources que dans la protection de la mère patrie, Ce pays une fois perdu, ils n'ont plus de patrie où ils puissent tourner les yeux; un Anglais a encore sa patrie. (...) Ceux du parti anglais sont opposés à leurs intérêts, en ce qu'ayant beaucoup plus d'affinité avec les Américains par leurs moeurs, leur religion, leur langage, ils encouragent la population américaine, comme un moyen de se débarrasser des Canadiens qu'ils regardent toujours comme une population étrangère, comme une population française Catholique, avec les mêmes préjugés que la classe du peuple, dans la mère-patrie, a contre les Français et les Catholiques, ils ne peuvent s'empêcher de se regarder comme dans un pays étranger, dans une province où la population canadienne (française) domine; une colonie peuplée d'Américains leur paraît plus une colonie anglaise, et ils ne s'y regarderaient pas autant comme dans un pays étranger. Ces effets sont encore augmentés par la circonstance, que la plus grande partie, peut-être, des officiers du Gouvernement est devenue personnellement intéressée à l'introduction de la population américaine dans ce pays, par les concessions des terres de la Couronne, qui leur ont été accordées, dans le voisinage des États-Unis ; ainsi le parti anglais est opposé au parti canadien, justement sur le point qui touche à sa vie et à son existence comme peuple... Pour la première fois, une distinction est établie entre l'origine ethnique et la langue parlée. A partir de cette date, les Anglais comprendront tous ceux qui utilisent l'anglais qu'ils soient ou non de souche britannique, Ce sont les gens en place... Bien que minoritaires dans tous les districts électoraux du Canada les Anglais réussissent assez facilement à faire élire à chaque élection une quinzaine de députés. Il s'agit de l'administration du gouverneur Craig. C'est le principe d'un exécutif responsable devant le corps législatif, Il devient de plus en plus ambigu de parler de Canadiens pour décrire les vieux sujets; on commence donc à parler de population canadienne (française). Dans les Cantons de l'Est; on a beaucoup exagéré la prospérité économique des Cantons qui, à cause du mauvais état des routes sont souvent trop isolés des grands centres pour être concurrentiels. Manifeste unioniste anglophone (1822) Source: Canadian Archives, 1897, pp. 32-37; Michel Brunet, Guy Frégault et Marcel Trudel (éditeurs), Histoire du Canada par les textes, Montréal, Fides, 1956, pp. 141-143. Cette pétition, portant un total de 1452 signatures, fut présentée aux autorités britanniques en décembre 1822 . Les signataires, pour la plupart des marchands anglais de Montréal, y justifient leur appui au projet d'Union du Haut et du Bas-Canada présenté secrètement aux Communes de Londres en juillet 1822. Ce fut alors un déluge de pétitions, manifestes et contrepétitions dénonçant et appuyant le projet de loi . Pour les marchands anglais, le passage de l'Acte d'Union était une question de vie ou de mort. En effet, l'ouverture du Canal Érié et le projet américain de canalisation de la rivière Hudson rendaient plus nécessaire que jamais la modernisation du système fluvial du Saint-Laurent. Une telle modernisation nécessitait cependant de vastes sommes que l'Assemblée, et en particulier les députés canadiens, refusait de voter. Pour les marchands anglais, l'Union du Haut et du Bas-Canada constitue la seule porte de sortie, encore que cette Union devra être faite selon des modalités car les Canadiens du Bas-Canada demeurent plus nombreux que les Britanniques du Haut et du Bas-Canada . On projette donc une Chambre d'assemblée unique avec 60 députés pour le Haut et pour le Bas-Canada. Comme on compte bien sur la possibilité de faire élire au moins 15 députés britanniques du Bas-Canada, ceux-ci pourront évidemment compter sur une majorité automatique . Le projet d'Union fut rapidement retiré dès que son existence fut découverte au Bas-Canada. En général, les anglophones du Bas-Canada appuyaient l'idée d'union tandis que les Canadiens la dénonçaient vertement; voir la pétition des Habitants des Cantons de l'Est celle des Habitants de Québec, celle des Habitants de Kingston, celle de la Société Constitutionnelle de Québec, dans Archives Canadiennes, DOCUMENTs relatifs a l'histoire constitutionnelle du Canada 1819-1828, Ottawa, Imprimeur du Roi 1935, pp. 132-143. Certains citoyens du Haut-Canada, par contre, tels ceux de Wentworth, ne sont pas très enthousiasmés par l'idée, craignant d'être submergés sous la masse canadienne. Sur la situation économique du Canada par rapport à celle des États-Unis, on pourra consulter Albert Faucher, Québec en Amérique au XIXe siècle, Montréal, Fides, 1973, pp. 17-43. 300,000 contre 200,000. Le taux de natalité variera entre 48.5 et 55.1 (pour mille) pendant la période allant de 1800 à 1830. Sur la population canadienne au XVIIIe et XIXe siècles, voir les deux études de Jacques Henripin, "From Acceptance of Nature to Control: The Demography of the French Canadians since the 17th Century", dans Canadian Journal of Economics and Political Science, 23, 1 (1957), pp. 10-19, La population canadienne au début du XVIIIe siècle, Paris, Les presses universitaires de France, 1955. Ce projet d'Union, par contre, ne prévoyait aucune mesure visant à restreindre les droits des catholiques. Seul le mode de représentation populaire était affecté. (...) Les pétitionnaires de Sa Majesté représentent en toute humilité que la division de la ci-devant province de Québec en deux provinces doit être regardée comme.une mesure des plus pernicieuses. A l'époque où la division eut lieu, plus de trente ans s'étaient écoulés depuis la conquête du pays par les armes de Votre Majesté; et nonobstant la générosité sans bornes dont on avait fait preuve à l'égard des vaincus, en leur reconnaissant leurs lois et leur religion, en les admettant à la participation au gouvernement et à tous les droits des sujets britanniques, et par de continuelles démonstrations de bontés à leur égard, nul progrès n'avait été fait vers aucun changement dans les principes, la langue, les coutumes et les manières qui les caractérisent comme un peuple étranger. D'après l'expérience du passé de même que par ce qu'on sait de l'effet de sentiments communs à l'humanité, on ne doit s'attendre à pareil changement tant qu'on permet au peuple conquis de régler exclusivement son propre gouvernement, et chérir et perpétuer les traits nationaux qu'il est de l'intérêt à la fois de la mère patrie et de la colonie de faire graduellement disparaître au moyen d'une union avec les co-sujets d'origine britannique. 54 Pour cette raison, il semblait évidemment nécessaire, en formulant une nouvelle constitution de gouvernement, qu'on réglât la représentation de façon à assurer une juste et raisonnable influence aux sentiments et aux principes britanniques sur la conduite de la législature coloniale. Les mesures capables d'arriver à cette fin se trouvaient alors facilitées par l'augmentation de la population britannique qui avait eu lieu et par les établissements qu'avaient formés les loyalistes américains dans les régions supérieures de la ci-devant province de Québec; et grâce auxquels un corps suffisamment nombreux de personnes d'origine britannique aurait pu être introduit dans la législature coloniale sans offenser aucun principe de justice et certainement en stricte conformité des dictées d'une saine politique. Eût-on à cette époque amené un pareil état de choses, ce à quoi la population canadienne-française s'attendait alors et aurait volontiers donné son adhésion , les pétitionnaires de Votre Majesté sont convaincus que la province serait aujourd'hui en toutes choses essentielles, une province anglaise. Malheureusement les pétitionnaires de Sa Majesté de même que leurs confrères britanniques doivent déplorer que plutôt que d'adopter cette politique d'Union... la population anglaise du Bas-Canada fut rendue impuissante à cause de son petit nombre. (...) Sans l'union cette population gardera sa prépondérance dans le gouvernement du pays, et naturellement elle ne cessera pas d'elle-même d'être française. Son augmentation progressive sous la protection propice de la Grande-Bretagne amènerait donc nécessairement le résultat que l'on prévoit dans le cas où l'union ne se ferait pas. Et les pétitionnaires de Votre Majesté ne peuvent omettre de noter l'étendue excessive des droits politiques qui ont été conférés à cette population au détriment de ses co-sujets d'origine britannique; et ces droits politiques en même temps que le sentiment de sa croissance en force, ont déjà eu pour effet de faire naître dans l'imagination de plusieurs le rêve de l'existence d'une nation distincte sous le nom de nation canadienne; ce qui implique des prétentions qui ne sauraient être plus irréconciliables avec les droits de ses co-sujets qu'avec une juste subordination à la mère-patrie. Les pétitionnaires de Sa Majesté demandent respectueusement s'il y a lieu de persister dans un système de gouvernement qui a eu de pareils résultats, et qui, dans ses conséquences ultérieures, doit exposer la Grande-Bretagne à la mortification et à la honte d'avoir à grands frais élevé jusqu'à la maturité pour l'indépendance une colonie conquise sur l'étranger, pour la voir devenir l'alliée d'une nation étrangère et le préjudice des sujets-nés et de leurs descendants. (...) Il suit de la respective situation géographique des deux provinces, que le Haut-Canada est tout à fait dépendant du Bas-Canada pour les moyens de communiquer avec la mère-patrie et les autres pays. Ce n'est que par la voie du Bas-Canada que la province supérieure peut recevoir ce dont elle a besoin ou exporter les denrées qu'elle a de trop. Le port de Québec est l'entrée commune . Ce port étant dans le Bas-Canada, les habitants du Haut-Canada ne peuvent entrer dans leur pays ni en sortir que tant que le permet le gouvernement du Bas-Canada... Tant que les provinces seront gouvernées par des législatures différentes, la tendance vers cette éventualité (l'union du Haut-Canada aux États-Unis) s'accentuera par l'effet de l'établissement de voies artificielles de communication pour lesquelles l'État de New York a fait dernièrement d'énormes dépenses , et qui, dans le cas où le port de Québec deviendrait incommode pour le Haut-Canada, fourniraient à cette dernière province un moyen facile d'atteindre les ports maritimes des États-Unis; et elle sera d'autant portée à prendre cette direction que le Bas-Canada continuera à rester français. (...) Les habitants français du Bas-Canada, aujourd'hui divisés de leurs co-sujets par leurs particularités et leurs préjugés nationaux, et évidemment animés de l'intention de devenir, grâce au présent état de choses, un peuple distinct, seraient graduellement assimilés à la population britannique des deux provinces et avec elle fondus en un peuple de caractère et de sentiment britanniques. Tout antagonisme d'intérêts et toute cause de différends entre les provinces seraient à jamais éteints: une Législature efficace, capable de concilier les intérêts de la colonie avec ceux de la mère-patrie, de préserver la sécurité et de promouvoir la prospérité agricole et commerciale du pays, serait alors établie de façon à promouvoir la position internationale des deux provinces et de la Grande-Bretagne: le lien qui unit la colonie à la mère-patrie se trouverait renforcé et la dépendance du Canada assurée à la mère-patrie d'une façon durable au grand avantage des deux pays. 55 Entièrement convaincus que ces biens importants et durables découleront d'une union des provinces, les pétitionnaires de Votre Majesté demandent humblement qu'il soit rendu un acte à l'effet d'unir les provinces du Haut et du Bas-Canada sous une même législature par des mesures que la sagesse de Votre Majesté jugera à propos. Le projet de loi déposé aux Communes de Londres faisait de l'anglais la seule langue officielle et accordait un délai de 15 ans avant d'exclure le français des débats parlementaires. Allusion ici à une prise de position de Louis Panet lors de la première session du Parlement en 1792. Il déclarait alors: "Quelle est la langue générale de l'empire? Quelle est celle d'une partie de nos citoyens? Quelle sera celle de l'autre et de toute la province en général à une certaine époque?" La construction du Canal Érié commencée en 1817 et terminée en 1825 permettra de relier Albany à Buffalo (360 milles). En 1797, l'Assemblée avait décidé de remettre au Haut-Canada sa part des droits de douanes perçus sur les marchandises dédouanées à Québec en direction du Haut-Canada. Estimée tout d'abord à 12% cette part est accrue jusqu'à 20% en 1817. Mais en 1819, à cause de la crise politique qui paralyse l'Assemblée, le Haut-Canada ne peut percevoir sa part, d'où paralysie de son administration.
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