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Louise SIMARD «La route de Parramatta», Libre expression, Montréal, 2003, 616
pages.
Tout ce qui concerne les Patriotes de 1837-1838 intéresse vivement le public
québécois. Plusieurs seraient surpris par l’ampleur et la profondeur de
l’attachement des Québécois à cet épisode de leur histoire nationale. Le succès
d’audience des films, des émissions de télévision, des livres, des articles ou
des reportages ou encore des activités qui font écho à cette époque montre
combien et comment ce sujet est hautement apprécié tellement il est enraciné
dans le social et le populaire de l’imaginaire collectif de notre peuple. Cette
page émouvante, cette page bouleversante et choquante de l’histoire de
l’Amérique française ne peut que stimuler l’inspiration des créateurs et des
artistes. Et ce n’est qu’un début. Longtemps après nos générations, les
Patriotes continueront de nourrir la culture québécoise.
Il est donc surprenant de constater combien peu de nos culturels et de nos
littéraires ont osé s’aventurer dans une entreprise de reconstruction artistique
de ce passé pourtant si riche en leçons. Il y a beaucoup d’œuvres consacrées à
cette période et des fameuses à part cela, et ce, dans tous les genres. Depuis
que Laurent-Olivier David a écrit, à la fin du XIXe siècle, le premier livre qui
leur a été consacré, les femmes et les hommes patriotes ont pris corps dans
l’imaginaire et la mémoire de tout un peuple. Il y a eu beaucoup d’ouvrages
publiés, une myriade de recherches, d’incalculables articles, des pièces de
théâtre, des tableaux, des dessins, des esquisses, des chants, de la musique,
des films etc. des poètes, des écrivains, des chercheurs et des scénaristes qui
ont prêté leur talent à la création d’œuvres rappelant ou évoquant cette période
à qui nous devons gratitude et reconnaissance. Les œuvres consacrées à ces
hommes et ces femmes du premier tiers du XIXe siècle correspondent parfaitement
à une forme de besoin. Par contre, si on compare la liste des œuvres européennes
qui s’intéressent, par exemple, à la Deuxième Guerre mondiale à celle des œuvres
québécoises consacrées à 1837-1838, cette dernière est encore bien mince… Cette
liste est encore trop courte. Pourquoi donc cela ?
Une des plumes les plus talentueuses du Québec, celle de Louise Simard s’est
consacrée à rappeler l’action des Patriotes dans un roman paru chez Libre
Expression. L’auteure a déjà commis d’autre œuvres à caractère historique comme
en fait preuve la liste impressionnante de ses publications. En s’attaquant à
reconstruire l’époque des Patriotes de 1837-1838, elle a fait preuve d’un
audacieux esprit de création voulant faire connaître le quotidien des exilés en
terres australes. Elle a choisi trois Patriotes : l’apprenti forgeron Désiré
Bourbonnais (mon arrière-arrière-grand-père), l’agriculteur acadien Étienne
Langlois et le notaire Hypppolyte Lanctot.
Cette narration romancée de faits vécus par ces héros rappelle avec brio ce que
ces hommes et leurs familles ont dû endurer suite à leur engagement politique
visant à doter le Canada-Français d’un pays démocratique. Ce roman délectera
celles et ceux pour qui l’histoire de notre peuple est importante et porteuse de
messages encore souvent d’actualité… Cette reconstitution est le fruit de
recherches sérieuses, cela se sent à chaque page de l’ouvrage. Ces pages donnent
un visage humain à cette lutte du XIXe siècle. Nous suivons ces Patriotes depuis
leur départ de Montréal jusqu’à leur arrivée en Australie, en ayant pris soin de
s’attarder, comme il se doit, aux conditions plus souvent inhumaines de ce long
périple à l’autre bout du monde n’évacuant aucune atrocité… Une fois parvenus à
leur lieu d’exil, ces trois héros connaîtront les aléas de la captivité,
quelques complicités et la si souffrante nostalgie.
Il ne reste qu’à souhaiter qu’un cinéaste du talent d’un Pierre Falardeau
s’empare de cette œuvre pour la porter à l’écran. Quel succès, quel triomphe
accueilleraient cette production !
Au côtés des grands personnages, des vedettes de cette période, il y eût de
nombreux inconnus, des sans-grade dont on ne saurait jamais assez faire
connaître la contribution à ce combat pour la liberté. Louise Simard et les
Éditions Libre Expression viennent de lever un voile. Vivement que d’autres
auteurs prennent le temps de se pencher sur ce chapitre singulièrement porteur
de notre histoire nationale.
Gilles Rhéaume
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