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Les Patriotes de 1837@1838 - Thomas Chapais (1858-1946) - <i>Cours d'histoire du Canada (1919-1934)</i> extrait du tome IV. Les événements de 1837-38
 HISTORIOGRAPHIE 
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Thomas Chapais (1858-1946) - Cours d'histoire du Canada (1919-1934) extrait du tome IV. Les événements de 1837-38
Article diffusé depuis le 20 mai 2000
 




La Rébellion de 1837-1838 a été un événement crucial dans l'histoire du Québec. Elle a donné matière à de nombreux ouvrages. Thomas Chapais se livre ici à une charge contre les insurgés. Voici un extrait du tome IV : Que faut-il penser des insurrections de 1837 et de 1838 ? L'historien consciencieux ne saurait hésiter à répondre. Toutes les deux, et la deuxième encore plus que la première, parce qu'elle était plus téméraire, furent incontestablement regrettables et ne peuvent être justifiées. Loin de nous le dessein d'outrager la mémoire des patriotes dévoués et sincères qui versèrent leur sang pour une cause dont la justice leur paraissait indiscutable. Nous nous inclinons avec émotion, devant leur vaillance, leur générosité et leur mort tragique. Mais nous ne pouvons nous empêcher de croire qu'ils commirent une faute politique et doctrinale. Le mouvement insurrectionnel de 1837 n'était pas dans les conditions voulues pour qu'il pût être reconnu légitime. L'agitation poursuivie depuis deux ou trois ans avait pris, durant sa dernière période, un caractère nettement agressif, comme M. Étienne Parent l'avait si clairement démontré. On avait systématiquement pratiqué la violation des lois, et l'on avait essayé d'organiser une espèce de gouvernement irrégulier pour défier l'autorité du gouvernement établi. Notre situation justifiait-elle cette attitude ? Nous ne le croyons pas. Notre religion, notre langue, nos institutions avaient traversé victorieusement les époques périlleuses. Nous possédions la liberté culturelle et la liberté civique. Nos impôts étaient légers, et nos charges publiques peu considérables. Depuis un quart de siècle nous jouissions d'une paix profonde. Et quand on jetait un coup d'œil sur l'état des différentes nations, à ce moment, il était impossible de ne pas constater que le petit peuple dont le domaine s'étendait sur les deux rives du Saint-Laurent était l'un des plus heureux du monde. Nos réels griefs, d'ordre purement parlementaire et administratif, pouvaient-ils contrebalancer tout cela ? Pas un homme doué d'un discernement sain et d'un jugement éclairé ne pouvait répondre dans l'affirmative. Le mouvement insurrectionnel dépassait donc la mesure de notre droit. Il n'était pas en équation avec nos sujets de plainte. Et dès lors il constituait un désordre condamnable. Il accusait de plus un déplorable manque de clairvoyance et de prudence. Les chefs de l'agitation outrancière auraient dû prévoir qu'elle conduisait tout droit à la guerre civile et que celle-ci devait infailliblement aboutir à notre écrasement. Où étaient nos forces, nos ressources, nos moyens matériels pour lutter avec l'Angleterre ? L'aide des États-Unis, nous l'avons vu, était une chimère. Nous étions entourés de provinces anglaises, qui, en dépit de certains mécontentements, ne pouvaient manquer de se rallier contre nous, du moment que la suprématie britannique était attaquée. Nous étions sans armes, sans arsenaux, sans organisation, sans argent. Et quand bien même, nous aurions, malgré toutes ces causes d'infériorité, remporté au début quelques succès, le gouvernement anglais, en dirigeant sur le Bas-Canada un nombre suffisant de ses régiments d'infanterie, de cavalerie, ne pouvait manquer de nous écraser finalement. La défaite, les flots de sang répandus, la dévastation de nos campagnes, la ruine, le deuil et l'humiliation nationale, telles devaient être les désastreuses conséquences de ce conflit inégal. Était-ce faire acte de véritable patriotisme que de nous y précipiter ? Condamnable dans son principe et déplorable dans ses inévitables résultats, le mouvement insurrectionnel de 1837 prit en outre le plus fâcheux caractère par suite du regrettable esprit qui animait plusieurs de ses fauteurs. On assista à une explosion de sentiment démagogique. Les journaux et les discours débordèrent de cette creuse et pernicieuse phraséologie révolutionnaire née durant le cataclysme de 1789, et remise en honneur au souffle des trois journées de 1830. On proclama la souveraineté du peuple, on dénonça la violation du contrat social, on multiplia les tirades déclamatoires contre les tyrans, on promulgua le droit de révolte, on fit l'apologie du régicide, on répudia l'autorité de l'Église. Les meneurs du mouvement ne craignirent pas de recourir aux pires moyens dans leur propagande révolutionnaire. Nous avons signalé déjà, comme un des plus insidieux et des plus criminels, la réimpression et la diffusion clandestines du scandaleux pamphlet de Lamennais, Les Paroles d'un croyant, condamné expressément par une encyclique du Souverain Pontife Grégoire XVI, le 25 juin 1834. La propagation de ces invectives passionnées contre l'Église catholique, contre sa sainte hiérarchie, était de nature à faire un mal immense dans notre population. Et ceux qui en étaient responsables se rendaient coupables d'un véritable attentat contre l'âme de notre peuple. Le même esprit s'accusa par les manifestations scandaleuses dans les églises, par les insultes au clergé dans les journaux, par les actes de violence et les menaces de mort contre les prêtres. Il s'affirma audacieusement par la tentative de piller les caisses des fabriques, de détourner les fonds destinés au soutien du culte religieux pour fomenter la guerre civile. Non, de quelque côté que l'historien canadien-français et catholique envisage la question, il ne saurait amnistier les mouvements insurrectionnels de 1837 et de 1838. Ce jugement pénible, mais appuyé sur la doctrine et les principes les plus sûrs, a été exprimé avant nous par des hommes qui n'appartenaient pas tous à la même famille d'esprit et dont l'opinion ne saurait être suspecte. Voici, exemple, l'appréciation de M. Tardivel, fondateur et pendant de longues années directeur de la Vérité, qui fut l'un de nos plus puissants publicistes : " Pour qu'une révolte à main armée soit justifiable, une des conditions exigées c'est qu'elle ait au moins quelque chance de réussir. Le mouvement de 1837 ne remplissait pas même cette condition. Cependant le manque de moyens n'était pas ce qu'il y avait de plus grave dans ce soulèvement. Les patriotes pouvaient se faire illusion là-dessus peut-être. Mais un point sur lequel ils ne pouvaient pas s'illusionner, en aucune façon, c'était l'unanimité morale de la nation, qui est une autre condition requise pour rendre légitime une révolte à main armée contre le pouvoir établi. " Or cette unanimité morale manquait absolument à la cause de Papineau. L'unanimité morale de la nation canadienne-française était contre les rebelles. Sans doute les Canadiens français étaient moralement unanimes à demander le redressement de leurs griefs politiques, mais l'immense majorité du peuple ne voulait pas sortir de l'agitation constitutionnelle qui aurait fini par obtenir les résultats désirés. Les rebelles étaient l'infime minorité de la population ; voilà un fait historique indiscutable... Il est donc impossible, sans quitter le terrain des sains principes, d'approuver, de près ou de loin, le coupable et désastreux soulèvement provoqué par Papineau et ses complices. " La Vérité, 4 juin 1898. Plus loin, Thomas Chapais cite aussi François-Xavier Garneau : " Cette insurrection avait été prématurée et inattendue. Nulle part, le peuple n'y était préparé. Il n'y avait que les hommes ardents, engagés dans la politique, les agitateurs, leurs partisans et des transfuges, qui virent dans une révolution un remède aux abus existants ou une occasion de satisfaire leur ambition personnelle. Ils s'excitèrent mutuellement ; leur imagination se monta, les choses ne leur parurent plus sous leur véritable jour. Tout prit à leurs yeux une grandeur ou une petitesse exagérée. " Garneau, Histoire du Canada, cinquième édition, 1920, t. II, pp. 674-675. Cours d'Histoire du Canada, tome IV, 1833-1841, p. 225-233.

 

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