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L'assemblée qui se déroule à Saint-Charles le 23 octobre 1837 est sans conteste la plus célèbre tenue par les Patriotes. Les Six-Comtés dont il est question sont ceux de Richelieu, de Saint-Hyacinthe, de Rouville, de Chambly, de Verchères et de l'Acadie. Près de cinq milles personnes y assistent, parmi lesquelles on remarque treize membres de la Chambre d'assemblée. Le docteur Wolfred Nelson, de Saint-Denis est choisi président, MM. J-T Drolet et Duvert comme vice-président, MM. Girod et Boucher-Belleville, comme secrétaire et Papineau comme tribun populaire. (CHAPAIS, 1972: 168) Le monde affluent de partout pour venir voir ces grands hommes prononcer leurs discours. Des gens de toutes les classes sociales arrivent déjà la veille de l'assemblée, des habitants, des ouvriers, des aubergistes, des manœuvres, notaires, médecins, députés et autres. L'assemblée se déroule près de la demeure du " renégat " Debartzch où l'on fit construire un " husting " sur lequel monta Papineau et ses acolytes. On peut lire des banderoles tendues entre des branches d'arbres où il est marqué " Vive Papineau et le système électif ", " Honneur aux braves Canadiens de 1813! Le pays attend encore leur secours ", " Indépendance ", " Les Canadiens savent mourir, mais non se rendre ", " Gosford, quand partira-t-il ce voleur de la bourse publique? ", etc. (FILTEAU, 1980: 275). Cette assemblée a un immense retentissement dans tout le pays et fouette les Patriotes radicaux. C'est aussi cette assemblée qui incitera l'Église à intervenir et ainsi provoquer l'explosion anticléricale que l'on connaît, en plus de donner l'opportunité au gouvernement d'émettre des mandats d'arrestation trois semaines plus tard. (FILTEAU, 1980: 279). L'assemblée se déroule dans l'ordre suivant : le docteur Nelson ouvre l'assemblée en exposant le but et fait un discours d'une telle violence, dénonçant les Résolutions Russell et proclamant qu'on ne peut que répondre à la proclamation du 15 juin (celle qui interdit dès lors les assemblées) que par la violence. Il demande ensuite à Papineau de venir tenir son discours à son tour. Celui-ci s'exécute mais avec beaucoup plus de modération, devant une foule qui l'adule et qui est en délire après le discours de Nelson, Papineau leur dit que selon lui le meilleur moyen de faire mal à l'Angleterre, c'est de ne rien acheter d'elle, mais il est contre le recours aux armes. Ce discours déçut plusieurs personnes, mais leur déception fut de courte durée car Nelson revient à la charge en affirmant de nouveau qu'il faut battre le feu par le feu et le docteur Côté fit de même en disant : " Le temps des discours est passé, c'est du plomb qu'il faut envoyer maintenant à nos ennemis. " (FILTEAU, 1980: 277) Ces belles paroles ne sont que de l'intimidation face aux autorités, car aucun des deux, ni Nelson ni Côté, n'est près à diriger une troupe contre les Loyaux. Après les discours de Brown et de Girod, on élabore les treize résolutions préparées par les délégués des divers comtés. Chaque lecture est accompagnée par des acclamations de la foule et par des tirs de mousquets des miliciens.(FILTEAU, 1980: 277) La première des résolutions consiste à proclamer les Droits de l'Homme pour changer un gouvernement qui est antagonique à ce qu'il doit être, soit protéger et sécurisé le peuple. Dans la deuxième résolution on déclare que l'Angleterre ne doit pas se baser sur la force, mais bien sur la bonne volonté pour maintenir son autorité. On adopte aussi des recommandations du comité du comté des Deux-Montagnes, relativement aux exercices militaires, à la juridiction et au mode de procéder des " pacificateurs et amiables compositeurs. " On juge que les réformistes des Six Comtés doivent obéir aux fonctionnaires et officiers choisis par eux (le comité des Six-Comtés.) On refuse de reconnaître le nouveau Conseil exécutif, l'introduction de nombreux corps de troupes dans la province en temps de paix, on déclare qu'on ne mettra pas d'entrave aux soldats qui veulent déserter vers les États-Unis et on approuve l'organisation des Fils de la Liberté. Ces deux dernières résolutions sont en sorte une erreur, car elles permettent au gouvernement à procéder à des arrestations. (FILTEAU, 1980: 278) Quand on regarde ces résolutions attentivement, on peut constater qu'à aucun endroit il n'y est fait mention d'un appel aux armes et cela malgré les discours enflammés de Nelson, Brown, Girod et Côté. L'assemblée ce déroula sur deux journées. La première, ont écoute les discours des grandes personnalités et on passe au vote sur les 13 résolutions. La deuxième journée sert à monter un comité qui rédigera une adresse au peuple du Bas-Canada, de la par de leur concitoyens des six comtés représentés. Après cette assemblée, Mgr Lartigue veut calmer les esprits des Canadiens-Français en leur adressant un mandement dans lequel il les prie de ne pas recourir aux armes et de ne pas se rebeller contre le gouvernement (CHAPAIS, 1972: 171-172). Ce mandement est très mal accueilli et envenime le conflit larvé entre l'Église et l'Assemblée. Christian Desjardins BERNARD, Jean-Paul ; Assemblées publiques, résolutions et déclarations de 1837-1838; Édition VLB Éditeur, 1988 CHAPAIS, Thomas ; Cours d'histoire du Canada, Tome 4 (1833-1841); Édition Boréal, 1972 FILTEAU, Gérard ; Histoire des Patriotes; Édition L'Aurore/Univers, 1980.
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