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Les Patriotes de 1837@1838 - Une solution pragmatique à la fonction de lieutenant-gouverneur
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Une solution pragmatique à la fonction de lieutenant-gouverneur
Article diffusé depuis le 17 novembre 2008
 




Le déclenchement de la campagne électorale a renvoyé aux calendes grecques le débat sur la fonction de lieutenant-gouverneur, témoignage encore une fois de l’incapacité chronique des politiciens à liquider cet enjeu ; une situation qui contribue aussi assurément à nourrir le cynisme envers les institutions que les dépenses somptuaires de Mme Lise Thibault.

Inutile donc de réclamer pour la centième fois l’abolition pure et simple de la fonction tant que le lieutenant-gouverneur demeure chef de l’État aux yeux de la loi (L.R.Q. A-23.1, 2002), que sa nomination relève du gouvernement canadien et que toute modification à ses pouvoirs requiert un amendement constitutionnel et donc un vote de toutes les législatures du Canada, y compris les deux chambres du Parlement fédéral. Impraticable dans le contexte actuel, l’idée d’abolir la fonction est pourtant régulièrement ramenée sur le devant de la scène, manifestement parce qu’elle recueille de très larges appuis dans la population et donc que les politiciens y voient l’occasion de s’associer à une cause populaire.

C’est ainsi que, suite à « l’affaire Roux » en novembre 1996, l'Assemblée nationale du Québec déclarait cette fonction «essentiellement symbolique et héritée du passé colonial du Québec et du Canada» et exprimait le souhait de son abolition ou que le gouvernement fédéral nomme dorénavant la personnalité «désignée démocratiquement» par l'Assemblée. Plus récemment, en 2007, « les soussignés [d’une pétition] exhortent l’Assemblée nationale du Québec d’abroger la fonction de lieutenant-gouverneur et d’en confier les responsabilités au Président de l’Assemblée nationale du Québec. » Plus récemment encore, le ministre des Relations intergouvernementales canadiennes, Benoît Pelletier, voyait à son tour la nécessité de l’abolir puis aussitôt faire le constat « que cela ne sera pas facile […] Cela prend de la volonté et du leadership politique ». Comme de telles propositions se brisent immanquablement sur les écueils constitutionnels, difficile de ne pas voir poindre l’opportunisme politique.

Ne pas désigner de successeur au lieutenant-gouverneur actuel

Puisque aucune réforme constitutionnelle n’est envisageable à moyen terme, il est donc grand temps que les partis politiques recourent à davantage de créativité et de pragmatisme, à l’instar de ce qu’était par exemple parvenu à faire le gouvernement Bouchard et sa ministre de l’Éducation Pauline Marois en 1998 et abolir l'obligation faite au Québec de maintenir des commissions scolaires confessionnelles. La question de la charge de lieutenant-gouverneur a aujourd’hui atteint un niveau de « maturité » équivalent, rendant possible un règlement sans forcément en faire un enjeu partisan.

Or la solution la plus praticable consiste à laisser en déshérence la charge de lieutenant-gouverneur et de ne pas remplacer le titulaire actuel une fois son mandat terminé jusqu’à ce que, à l’occasion d’une ronde constitutionnelle ou d’une constitution québécoise, cette question soit officiellement tranchée. Il sera alors temps de voir si la fonction doit être abolie ou rendue élective par exemple. Entre-temps, elle sera tombée en désuétude dans sa forme actuelle et nos institutions auront appris à fonctionner en faisant fi de l’archaïque institution.
Cette approche pragmatique se situe dans le prolongement des gestes posés par d’autres gouvernements provinciaux depuis de nombreuses décennies.

À part ses attributions purement honorifiques, la plupart des pouvoirs du lieutenant-gouverneur sont progressivement tombés en désuétude dans la plupart des provinces dès le début du XXe siècle. La dernière loi québécoise désavouée par un lieutenant-gouverneur remonte à 1910. Ailleurs au Canada c’est en 1943, pour désavouer des lois du gouvernement créditiste de l’Alberta, qu’un lieutenant-gouverneur s’est pour la dernière fois prévalu de ce pouvoir. Les articles 55 et 57 (veto du lieutenant-gouverneur ou du gouverneur général à l’endroit d’un projet réservé à son bon plaisir) et l’article 56 (désaveu) existent toujours bien dans la Constitution canadienne mais aucun tribunal n’en avaliserait plus le recours. En 1971, à la conférence de Victoria, les premiers ministres convenaient de laisser tomber en désuétude les pouvoirs de réserve et de désaveu des lieutenant-gouverneurs et, en 1982, la Cour suprême frappait de désuétude la plupart des pouvoirs du lieutenant-gouverneur dans le renvoi 1 R.C.S. 753 (Jugements de la CS, 1982, p. 802). Une fois réduite à ses pouvoirs purement symboliques, les législatures provinciales ont entrepris de couper les budgets alloués à la charge de lieutenant-gouverneur et de fermer les résidences officielles Ontario dès 1937, en Alberta en 1938 et en Saskatchewan en 1944.

Au Québec a fonction de lieutenant-gouverneur a sa grande et sa petite histoire. Du « coup d’État » de Letellier de Saint-Just en 1878 à la mort tragique de l’honorable Paul Comtois dans l’incendie du Bois-de-Coulonge en 1966 en passant par les excentricités nazies du jeune Jean-Louis Roux révélées en octobre 1996 et jusqu’au dernier acte en date, les dépenses ostentatoires de Mme Lise Thibault, le débat au Québec luit d’un éclat particulier du fait du chatoiement de la question du statut politique du Québec. Aussi, après avoir perdu beaucoup de temps à confondre les deux enjeux, les gouvernements en poste entreprennent à leur tour de vendre la résidence officielle (1998) et, plus récemment, de réduire l’allocation du lieutenant-gouverneur. Comme l’écrit Alain Dubuc, « même si l’abolition demeure la solution idéale, la voie la plus simple, c'est de conserver le poste, mais de le rendre encore plus marginal, pour qu'il coûte le moins cher possible. C'est le sens de la nomination de M. Pierre Duchesne, qui va s'acquitter de sa fonction avec dignité, modestie et frugalité. »

La suite naturelle de ce processus consiste donc à laisser la fonction inoccupée dès la prochaine vacance. Or la constitution canadienne prévoit déjà les mécanismes permettant aux institutions de fonctionner quand même. L’article 67 amendé prévoit que « Le gouverneur en conseil peut nommer un administrateur chargé d'exercer les fonctions de lieutenant-gouverneur en cas d'absence ou d'empêchement du titulaire ou de vacance de sa charge. » En réalité, la nomination permanente d’un administrateur est faite par décret du Conseil du trésor du gouvernement fédéral, sanctionné par le gouverneur général. L’administrateur du gouvernement du Québec peut ainsi agir en lieu et place du lieutenant-gouverneur dès que ce dernier « n’est pas en mesure » de s’acquitter de ses tâches. Depuis 1958, c’est l’un des juges principaux de la Cour d’appel du Québec qui est nommé administrateur du gouvernement du Québec. Il s’agit depuis 2000 de l’honorable juge Paul-Arthur Gendreau qui a d’ailleurs déjà procédé à la sanction de quelques lois et à la ratification de décrets lorsque le lieutenant-gouverneur séjourne à l’extérieur du Québec, s'il est malade ou parti suivre des cours de golf... La suppléance de l’administrateur de la province vise en principe à palier à une situation temporaire. La distinction entre « intérim » et « suppléance » n'est cependant pas nette. Si, au sens de la loi constitutionnelle, « intérim » comporte l'idée de remplacement dans tous les cas, notamment en cas de vacance, « suppléance » se limiterait en principe à un remplacement en cas d'absence ou d'empêchement momentanés, sauf lorsque le suppléant est une personne expressément nommée à l'avance en cette qualité, ce qui semble bien le cas à la clause I de l’article 67 (Statuts révisés du Canada, janv. 1991).

L’appui objectif du gouvernement Harper

Sur la voie du pragmatisme, l’unilatéralisme n’est plus de mise et les parties devront se garder de toute partisanerie sur cet enjeu. Souverainistes comme fédéralistes ont intérêt à parrainer la déshérence de la fonction de lieutenant-gouverneur du Québec, le uns afin de débarrasser le Québec d’un autre symbole du colonialisme, les autres afin de faire la démonstration de la flexibilité du fédéralisme. Or nul n’est mieux en mesure d’en convenir que le gouvernement actuel de Stephen Harper. Rappelons que la mesure consistant à surseoir à la nomination du prochain lieutenant-gouverneur, tant qu’une réforme constitutionnelle n’aura pas décidé d’en réviser le statut, était déjà au cœur du programme de l’ancien parti du premier ministre, le Reform Party. À la fin des années 1980, le parti réformiste de Preston Manning remet lui aussi en question une institution dysfonctionnelle, le Sénat canadien. Le Sénat « triple E » élu, efficace et égal (entre les provinces) implique aussi une réforme constitutionnelle. En 1989, le parti des Manning, Stockwell Day et Stephen Harper, en collaboration avec le gouvernement provincial de l’Alberta, recourt plutôt à un stratagème consistant à inviter le gouvernement fédéral à adhérer au credo du triple E en appelant la population à élire un candidat au poste de sénateur. Un certain Stan Waters l’a alors emporté et, un an plus tard, le premier ministre Brian Mulroney entérinait le choix des électeurs albertains et les manoeuvres du parti réformiste en nommant Waters au Sénat canadien. L’Alberta et la Colombie-Britannique ont depuis voté des lois prévoyant l’élection des sénateurs même si le gouvernement libéral de Jean Chrétien n’a plus ensuite tenu compte du choix des électeurs. Voilà comment, avec un minimum de volonté politique, il devient possible de résoudre l’imbroglio du lieutenant-gouverneur au Québec.

Le gouvernement canadien actuel devrait donc se montrer sensible à une demande consistant à ne plus forcer la désignation d’un lieutenant-gouverneur et accepter que l’administrateur du gouvernement du Québec assume désormais l’intérim. Quant aux partis provinciaux, l’ADQ, le parti québécois et le Parti libéral, ils devraient profiter de la campagne électorale pour exprimer publiquement leur intention de laisser tomber en désuétude la fonction de lieutenant-gouverneur, s’engager à ne pas recommander de candidats à la prochaine vacance et acquiescer au principe selon lequel ses attributions soient à l’avenir assumées par l’administrateur du gouvernement du Québec, soit un fonctionnaire déjà désigné, le juge coordonnateur à la cour d’Appel du Québec.

Un nouvel état d’esprit de collaboration est nécessaire pour parvenir sans coup férir à mettre au rancart cette institution archaïque. Le mandat du lieutenant-gouverneur actuel prend fin en principe en 2012, plus tôt encore si M. Pierre Duchesne décide de coopérer et de démissionner avant terme de sa charge. Il choisirait de la sorte de passer à l’histoire à titre du dernier lieutenant-gouverneur.

Gilles Laporte

 

Recherche parmi 16 491 individus impliqués dans les rébellions de 1837-1838.

 



Consulté 5333 fois depuis le 17 novembre 2008
 Lola  (31 janvier 2009)
Je suis emballée !
 Yvon Beaupré  (14 janvier 2009)
Je vous lance mon CHAPEAU ! enfin une idée lumineuse pour mettre fin de façon définitive à ce systeme de boulet que nous traînons depuis trop longtemps. Convaincre M Pierre Duchesne de quitter avant la fin de son mandat , tel est l`objectif que doivent avoir les partis politiques du Québec. Sur le site WEB du lieutenant-gouverner la derniere mise à jour (album photo) remonte au 17 janvier 2008 .....dans 3 jours nous fêterons le premier anniversaire ! Alors que la section (( communiqués )) le 13 mars 2008 est la derniere mise à jour! alors ....est-ce que le processus de fin d`emploi est déjà amorcé?
 Louise Charbonneau  (29 novembre 2008)
Excellente idée. Vous verrez sous peu que la fonction de gouverneur général n'a pas seulement un poids symbolique puisque cette dernière aura un pouvoir discrétiionnaire très grand dans la crise politique qui se dessine au fédéral. Nous avons réussis à abolir le Sénat au Québec au cours des années 1960, il est grandement temps que nous puissions faire la même chose avec le poste de lieutenant gouverneur !
 Gilles Patenaude  (23 novembre 2008)
L'idée est semée et je souhaite sa réalisation dans les plus brefs délais. Il est temps de couper le cordon d'avec l'Angleterre et ses institutions archaiques
 Onil Perrier  (22 novembre 2008)
Excellente façon de se défaire de ce relent de colonialisme. Bravo d'y avoir pensé !

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