Le blockhaus de Coteau-du-Lac tel que reconstitué par Parcs Canada en 1978. Il a d'abord été incendié en 1837 pour éviter qu'il ne tombe aux mains des Patriotes.
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Ce texte s’appuie sur un rapport rédigé en 1977
par M. George C. Ingram à la demande de Parcs Canada et qui rend compte des fouilles
archéologiques réalisées à l’emplacement du blockhaus de Coteau-du-Lac, dans le
comté de Soulanges, au sud du Québec. L'objectif est ici de rappeler le rôle de ce blockhaus
lors des Rébellions de 1837-1838 et
de retracer le contexte ayant mené à sa destruction en décembre 1837.
Le blockhaus de Coteau-du-Lac est d’abord destiné
à assurer le contrôle militaire du fleuve Saint-Laurent à la frontière du Haut
et du Bas-Canada et à proximité des États-Unis. On peut encore admirer des
ouvrages militaires du même type à Saint-Paul-de-l’Île-aux-Noix, au Fort
Lennox, à Lacolle et à St-Andrews au Nouveau-Brunswick. L’historien Roland Viau a
aussi avancé l’hypothèse qu’il y ait eu un autre blockhaus aménagé à la
Pointe-aux-Anglais, à Salaberry-de-Valleyfield. Cette hypothèse semblerait
plausible si l’on se penche sur l’hydrographie du sud du Québec, à la coïncidence du
bassin versant du lac Champlain et du fleuve Saint-Laurent.
La pointe formée à Coteau-du-Lac est fréquentée
depuis longtemps. Les Amérindiens l’utilisaient comme point de relai
avant même l’arrivée des Européens. Sous le Régime français, on peut déjà noter
quelques installations rudimentaires, mais il faut attendre la Conquête de 1760
pour voir aménagés des dispositifs d'une plus grande ampleur.
L'aménagement d'un réseau défensif des blockhaus
s'explique surtout par la menace d'invasion par les États-Unis. En 1775, des
Américains tentent de prendre les colonies britanniques et passent l’hiver à
Montréal avant d'être repousé en 1776. On réalise alors les carences
défensives de la colonie, en particulier dans le basin du fleuve Saint-Laurent.
C’est dans cette perspective que Les Cèdres est désigné par le Capitaine Brehm,
le 26 avril 1779, pour abriter une forteresse. C’est finalement le site de Coteau-du-Lac qui sera
retenu. On souhaite principalement
contourner les rapides, nombreux dans cette section du
fleuve. L'importance du site sous le régime britannique s'explique aussi par la présence d'entrepôts
destinés à approvisionner le Haut-Canada. On entreprend donc de percer un
canal qui est achevé dès 1779.
La décision de construire le blockhaus est, elle, prise
suite à la tentative d’invasion américaine en 1812-1814. Construit en 1812, le
blockhaus sert alors principalement de quartier d’habitation pour une petite
garnison. On y retrouvait les quartiers habitables au premier étage et les
installations dites militaire à l’étage supérieur. On y accède par une
échelle en haut de laquelle peuvent prendre place quelques batteries de campagne. Un
système de faussés complétaient le complexe du blockhaus.
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Au moment des rébellions, la garnison britannique
présente au blockhaus est réduite à 3 ou 4 hommes seulement, sous le commandement du
capitaine Cox à l’automne 1837. Devant la situation politique tendue, Cox demande à l'automne de 1837
l’autorisation de lever un corps de milice. Il l’obtient le 2
décembre et recrute 50 volontaires venant surtout de Coteau-du-Lac et de Hudson
(pointe Cavagnal). Enthousiastes mais inexpérimentés, les loyaux de la région vont prendre certaines initiatives avant
même d'être encadrés par l'armée. Le capitaine John Simpson prend spontanément la tête du mouvement, s’empare des denrées sur un bateau passant dans les environs et, par peur que les patriotes
ne s’emparent des armes gardées sur
place, décide de son propre chef de jeter les canons au fleuve. Le 2 décembre
1837, le commandement militaire fait part à Simpson de son mécontentement qu'un
officier volontaire ait ainsi agit sans avoir reçu d'ordre. Cependant, le 4 décembre, Simpson
reçoit pourtant des félicitations pour ses initiatives de la part du secrétaire
du Gouverneur. Cela peut cependant aussi laisser entendre que ses services
n'étaient plus requis.
Le 14 décembre 1837, tandis que la bataille fait
rage à St-Eustache, le capitaine Phillpots du Génie Royal donne
l’ordre le 19 décembre d’acheminer 250 fusils, ainsi que des munitions à la
garnison de Coteau-du-Lac. Ces mesures ont pour but de renforcer les défenses du
fort. C’est aussi dans cette perspective qu’il donne l’ordre de démolir le Blockhaus. Celui-ci
avait mal été entretenu au cours des années 1830 et avait été laissé en décrépitude par la
suite. Il s’agit bel et bien d’un maillon faible dans le dispositif défensif britannique.
De fait, comme le Blockhaus est à découvert sur la pointe près du fleuve,
contrairement aux autres bâtiments, il aurait pu facilement pu permettre à des insurgés de s’y
abriter. C’est pour cette raison que le capitaine Phillpots, du régiment de
génie des Royals entreprend le 19 décembre 1837 d'incendier le blockhaus et de le
raser jusqu’aux fondations. Le choix de l’incendier est d’ordre pratique. Comme
peu d’hommes sont habilités à effectuer une opération de démolition, on considère
qu’il est moins périlleux et plus simple de l'incendier.
C’est donc ainsi, que les soldats anglais ont mis
le feu à leur propre forteresse de peur qu'elle ne tombe aux mains des
Patriotes. Les fouilles et les recherches effectuées sur le site et dans les
archives nationales au début des années 1970, ont permis à Parc Canada de
reconstituer approximativement le blockhaus tel qu'il se dressait encore en
1837. Il est aujourd'hui possible de le visiter. L'épisode patriote du site est
cependant généralement laissé sous silence par les guides et par la
documentation disponible.
Valérie Cardinal
Lieu historique national du Canada de Coteau-du-Lac
308 A, chemin du Fleuve, Coteau-du-Lac (Québec)
Tél : 450-763-5631; Sans frais : 1-888-773-8888